Voyager en Asie, et donc en Indonésie, c’est découvrir d’autres mondes, explorer des cultures et des sociétés différentes, au risque parfois de perdre nos repères occidentaux, souvent si confortables et rassurants. Pourtant, pour bien mesurer mais aussi s’enrichir de l’altérité orientale, et pour véritablement respecter les autres ainsi « visités » lors de nos périples, rien de mieux que de réfléchir un peu plus à ces différences qui, en définitive, nous permettent de nous rapprocher les uns des autres, les Orientaux des Occidentaux, et réciproquement… Au final, ces différences s’amenuisent et peu à peu les ressemblances prennent le dessus comme pour nous rappeler que nous sommes tous des êtres humains vivant sur une même terre. Un terre un peu mise à mal où le trop populaire « choc des civilisations » serait sur le point de nous empêcher, les uns et les autres (et ce avec l’aval discutable des politiques et des médias), de nous rencontrer, de nous respecter, de nous aimer ou au moins de nous supporter. Il apparaît aussi que les forces de ce mal ne sont pas forcément issues de l’axe du mal. Le texte ci-dessous entend seulement démontrer que les différences culturelles et autres s’avèrent, en général, plus complémentaires et épanouissantes pour tout le monde que problématiques ou propices au repli et au mépris.
Le détour par l'Orient comme recours pour l'Occident
L’écrivain Henri Michaux, auteur d’un bel ouvrage intitulé Un barbare en Asie, n’a pas hésité à donner un « bon » sens à ses mots : « L'Orient pour s'orienter ». Tout un programme sinon un bel itinéraire. De nos jours, le détour oriental s’apparente en effet comme la promesse d’un apport utile d'Asie pour réveiller une Europe, vieillie c’est sûr, déclinante sans doute. Un besoin d'Orient comme un appel d'air salutaire ? L'initiation à l'Asie s'impose à ceux qui considèrent que l'Occident est aujourd'hui en panne d'utopie. Les expatriés tout comme les touristes qui s’y aventurent ne sont pas en reste. De H. Hesse à J.-C. Guillebaud, l’appel de l’Orient est aussi une invitation au voyage en Asie, terre de tous les exotismes, comme l’avaient déjà anticipé un Loti, un Farrère, ou mieux, un Segalen. C'est bien parce que l'Asie n'occupait guère de place dans les études en Occident que le jeune Nicolas Bouvier s'embarquait vers cet Orient prometteur qui nourrira ses pensées nomades et son usage si singulier du monde : « C'est une des raisons qui m'ont incité à aller vers l'est, voir par moi-même. Je me doutais que malgré ce silence sur l'Asie, l'Europe devait énormément de sa civilisation à une Asie plus ancienne, que la filiation était importante. J'avais le sentiment qu'il fallait aller voir cette mère avant qu'elle ne se dégrade trop. Et j'ai été confirmé dans ce sentiment ». Aujourd’hui, l’Asie s’impose sur la scène mondiale, et même l’Indonésie gravit, lentement mais sûrement, les marches du podium. Comment en sommes-nous arrivés là ? La modernité occidentale vit une crise durable et l'Asie est aujourd'hui certainement le seul continent - le seul horizon culturel aussi - susceptible de proposer une ou plusieurs alternatives au modèle occidental. Depuis les années 1970, et surtout 1980, la fin des utopies politiques occidentales a conditionné l'appel en direction des spiritualités orientales. Dans notre monde cloisonné, en rupture d'idéologie sinon d'idée, peuplé de chômeurs et d'experts, d'exclus et d'inclus, le sentiment d'autonomie disparaît au profit d'une véritable industrie de la peur véhiculée par les autorités pour mieux asseoir leur contrôle sur des populations déboussolées aux destins brisés. Mais aux désirs d’ailleurs intacts…
Il est intéressant, par exemple, de comparer deux scènes de rue, l'une à Paris, l'autre à Denpasar, ainsi que deux scènes de vie rurale, dans les campagnes française et balinaise : on constate que dans la « capitale » comme au cœur du hameau reculé de Bali, la vie bat son plein, les gens s'activent en permanence, généralement le sourire aux lèvres, bref l’ensemble de l’île de Bali (et dans une moindre mesure toute l’Indonésie) a l'air d'être en mouvement, et d'avancer vers de nouvelles aventures humaines… mais aussi économiques et politiques. Pourtant, le niveau de vie, le PNB et autres indices de « développement » restent nettement inférieurs en Indonésie qu'en France, sans parler du montant des salaires, de la protection sociale, de l'assurance maladie, etc. Certes, les choses changent, et c’est tant mieux pour les locaux, mais ça bouge doucement, voire très doucement pour les secteurs pourtant vitaux comme l’éducation et la santé. Mais l’espoir transparaît sur tous les visages ou presque. Ce qui est très distinct en France ou même dans toute l’Europe… En France, la situation est évidemment très différente de l’Indonésie : la grisaille s'installe durablement, le désarroi semble accaparer une population laissée comme orpheline de projet de société, tandis que l'avènement tant revendiqué sinon espéré de ladite « civilisation des loisirs » semble poser plus de questions que trouver de solutions aux divers malaises du quotidien. Veillons toutefois à ne pas verser dans une nouvelle forme de manichéisme : les rapides mutations des sociétés asiatiques, et cela se constate fortement à Jakarta, à Bali, jusque dans les coins reculés de l’archipel, provoquent également des bouleversements et des désillusions dont les conséquences s’avèrent souvent dramatiques. Vivre l'instant présent n'est pas forcément une panacée pour tous, et beaucoup de jeunes sombrent trop vite dans des formes de dépendance pour lesquelles l’argent occupe un rôle de premier plan. Ainsi, le fameux clivage Orient-Occident est-il toujours une affaire complexe et délicate ! De la France à l’Indonésie, comme plus généralement de l'Occident à l'Orient, les différences sont innombrables et les visions respectives du monde paraissent aussi divergentes que le ciel et la terre. Des ponts pourtant existent, et parfois même des voies communes. Mais la plupart des passerelles restent à imaginer, à créer, à construire. Ensemble si possible.
En 1991, à Rantepao – « capitale culturelle » du pays Toraja, à Sulawesi-Sud – le tourisme et le développement connaissent un essor sans précédent, avec des conséquences diverses liées à la mondialisation en cours : un « pub » local aux allures de maison traditionnelle, et un jeune Toraja coiffé « à la mode » du moment, en train de monter dans un bemo bénéficiant de la sainte protection du Messie. A bord, le jeune du coin m’a proposé de fumer avec lui une « Marlboro » en m’expliquant très sérieusement que les cigarettes américaines étaient bien meilleures, et surtout plus « classes », que les Kretek locales… Ainsi, l’acculturation est souvent le résultat attristant d’une rencontre culturelle qui n’a point abouti sur des échanges équitables.
L'Asie pensée d'ici est avant tout une pensée d'ailleurs. Ce continent, en réalité un Orient extrême plutôt qu’un Extrême-Orient, apporte au monde une approche tant spirituelle que philosophique de la vie et de la mort aux antipodes de la pensée occidentale. Les intellectuels européens le reconnaissent volontiers : « L'Occident s'est fait en refoulant son propre Orient » (Edgar Morin) ou « L'Orient spiritualiste est appelé au secours de l'Occident menacé par la machine » (René Girard). Le détour par le continent asiatique s'impose comme une évidence à ceux qui entendent échapper à la vision manichéenne et cartésienne des affaires du monde. Matérialisme vs spiritualisme ? Pas évident lorsqu’on regarde le développement tous azimuts d’une Asie plus que dynamique et pressée de se montrer plus capitaliste encore que leurs anciens maîtres en la matière. Cela dit, l’Occident fonce droit dans le mur (à moins qu'il n'en construise de nouveaux !) tandis que l'Orient évite l'affront et contourne les écueils, attendant patiemment son heure… Le mouvement, plus vertical qu'horizontal et plus circulaire que linéaire, n'échappe pas à cette logique : les mauvais esprits ne se déplacent qu'en ligne droite, explique la philosophie asiatique plusieurs fois millénaire. Et, à l'instar de la médecine chinoise ou indienne qui se donne pour mission de guérir le malade et non pas la maladie, la bonne route asiatique ne peut que serpenter selon un itinéraire sinueux, à l'image des vaisseaux sanguins qui irriguent le corps. Un corps d'ailleurs jamais séparé de l'esprit. L'Occidental en mal d'exotisme, d'érotisme, de foi, de loi et de soi, trouvera dans l'Orient lointain de quoi assouvir ses passions refoulées et son mal de vivre. Qui sait, le recours à l'Orient permettra peut-être à nos sociétés léthargiques de recouvrer ce vital rééquilibrage entre action sur soi et action sur le monde, indispensable pour redonner sens à nos multiples existences. Certes l’Asie fascine nos contemporains mais elle fait également peur, surtout dans le contexte de crise actuelle. Le « péril jaune » serait-il de retour ? Pour l'heure, délocalisations massives et touristes asiatiques tout aussi massifs grimpant sur la Tour Eiffel aidant, c'est reparti pour un tour pour un nouveau péril jaune version OMC et FMI, l'Asie se rue à nos portes et l'Occident se presse vers la lumière orientale éblouissante, comme aveuglé par tant d'affaires à conclure… Aussi, le défi migratoire majeur se trouve en Asie, continent immense, peuplé, riche, dont les élites sont à la fois formées et informées, en tout cas de plus en plus. Ces classes et castes montantes seront irrémédiablement happées par le marché mondial, elles seront autant attirées qu'invitées par l'Occident en manque de talents avant-gardistes et de main d'œuvre tous barèmes confondus. Au moment où l'Europe tout entière n'a plus qu'à offrir du tourisme et des services, le centre de gravité de la planète dérive, s'oriente si l'on peut dire, vers l'est, pour se fixer momentanément quelque part entre Inde et Japon. Logiquement, l’Indonésie figure en bonne place même sur un immense archipel où les choses semblent avancer moins vite.
L'actuel « besoin d'Asies » (au pluriel car le continent est divers et pluriel !) – comme je tente de le détailler plus amplement dans mon livre Routes. Eloge de l’autonomadie – s'affirme plus intérieur que pittoresque. De la colonisation, on est passé à la mondialisation, et l'Asie est aujourd'hui plus désirée que rêvée, plus jalousée que combattue. Cela n’empêche pas que cette envie d'Asie est davantage une quête de mieux-vivre qu'un besoin spirituel et encore moins religieux. Ce besoin est aussi, ne le négligeons pas, un besoin d'évasion. La friction à l'Orient ouvre de nouveaux horizons : l'Asie lance en pleine figure de l'Occident une saine bouffée d'air frais dans un climat particulièrement morose. A la fois déclic et détour, occasion rêvée de se démarquer, le contact avec le continent asiatique offre une fructueuse opportunité pour mieux s'interroger sur la pertinence, aujourd'hui avérée, d'une modernité non occidentale et de ses chances de succès et de développement, notamment comme éventuel contre-modèle face à l'exemple nord-américain. On observe, dans les pratiques culturelles d'Asie (mangas, anime, et arts martiaux, par exemple), à quel point les héros asiatiques diffèrent de leurs homologues nord-américains : l'exclusion ne trouve pas de place, il n'y a pas de bon et de méchant mais chacun peut un moment être bon et méchant. Harmonie des contraires et yin et yang font que la vraie victoire ne réside pas dans le massacre ou l'exploitation de l'adversaire (ou plutôt de l'autre Moi d'en face !) mais dans la conquête pacifique de son cœur… Le théâtre balinais ne raconte pas autre chose. Même les jeux vidéos et la culture manga de facture internationale s'inspirent à la même source que le jeu de go, le shiatsu ou encore l'aïkido… La voie prime donc sur le but, tout comme le milieu ou le centre sur la finalité. Une phrase résume l'orientation de la pensée occidentale : la fin justifie les moyens. Même la structure horizontale de la phrase (sujet-verbe-complément) va à l'encontre de la pensée asiatique, plus verticale : les mots peuvent être souvent interchangeables au sein de la phrase, et ici cela nous donne plus précisément : les moyens justifient la fin… Au passage, on remarquera qu'il est paradoxal d'observer que, pour la pensée occidentale, c'est précisément dans la religion monothéiste que l'homme, sûr de son bon pouvoir sur autrui, a pioché les raisons pour tenter de justifier sa supériorité sur le reste de la création, alors qu'il joue de ce même sentiment de supériorité pour s'écarter actuellement de la religion ! De la Bible à Marx, sans oublier Descartes et les Lumières, l'homme occidental s'est forgé pour mission de posséder puis dominer la nature. Une intervention humaine qui tranche avec la vision asiatique de l'homme qui n'est qu'un élément parmi d'autres au cœur de la Nature. Aux yeux des Chinois, hommes et dieux cohabitent, et les choses se font naturellement, l'homme n'étant pas maître de son destin. Et, d'une certaine manière, on en revient en Occident toujours à l'obsession de la Création, tandis que, comme le note Ivan Kamenarovic, « c'est le fonctionnement du monde beaucoup plus que son origine qui sera pris en compte par les penseurs extrême-orientaux. (…) L'idée de l'origine du monde sous forme de 'création' n'a guère effleuré les esprits chinois ». Le philosophe ajoute que le monde chinois se caractérise avant tout pas le fait d'être habitable et non pas connaissable ou maîtrisable. Le Chinois n'entend ni prendre possession ni mettre à profit un statut supposé privilégié : « Le monde chinois est un monde au sein duquel l'homme a pour rôle de favoriser l'équilibre, l'accomplissement des lois de la Nature, qui sont aussi les siennes. C'est dans l'observation et dans l'observance des lois régissant les phénomènes naturels que l'homme trouvera la clef de son comportement, de son bien-être et de la réussite de ses entreprises ». Dans le contexte asiatique, c'est le Tout qui donne et fait sens, c'est lui qui rend pertinent chacun des éléments inscrits au sein de cet horizon culturel et spirituel. Mais restons lucides ! Car ces différences philosophiques, essentielles et béantes, entre « valeurs asiatiques » et « valeurs européennes », n'empêchent pas la multiplication des contre exemples, d'autant plus nombreux qu'ils s'enracinent dans l'esprit du capitalisme et désormais de la mondialisation. Pour rester en Chine, des écrivains de la jeune génération - au demeurant surtout des auteures, ce qui n'est pas non plus le fruit du hasard, dans un sous-continent en pleine ébullition « libérale », dans tous les sens du terme - comme par exemple Mian-Mian ou Weihui, bousculent les idées reçues et insufflent un vent frais et provocateur au sein de la vie intellectuelle chinoise. Pour ces auteures, qui s'identifient souvent à leurs héroïnes, la perception ici présentée de l'Orient apparaîtrait certainement idyllique et même totalement erronée. A juste titre d'ailleurs. L'occidentalisation rapide - avec ses trois mythes vivants que sont le progrès, la démocratie et la liberté - est passée par là. La même évolution, sur un mode à peine plus lent, est perceptible en Indonésie, avec par exemple le succès des romans d’Ayu Utami, figure montante de la littérature contemporaine indonésienne.
A Balikpapan, à Kalimantan, en 2008, une voiture « coloniale » exhibée dans le hall de réception d’un des plus grands hôtels de la ville, et un moderne « shopping mall » au centre d’une ville, où le pétrolier Total et ses employés sont également omniprésents. La surmodernité arrogante côtoie la réinvention du passé…
Ce que l'Orient pourrait (éventuellement) apporter à l'Occident
Voici maintenant une modeste comparaison, toute subjective, entre les valeurs d'Orient et d'Occident qui nous livre un aperçu de ce qui sépare les pays d'Europe et d'Amérique de ceux d'Asie, et dans une moindre mesure le Nord du Sud. Forcément schématique et arbitraire, cette brève analyse comparative tente de mettre en exergue les différences pour mieux appréhender les fondements culturels et spirituels des deux aires culturelles. Evidemment, ce « tableau comparatif » est délibérément caricatural mais cela nous permet du coup d'aller plus avant dans la confrontation des deux pensées, souvent plus complémentaires qu'opposées, bref d'avancer à tâtons en contournant le mur des pensées officielles. Certaines oppositions Orient-Occident ici présentées peuvent donc être erronées sur un point particulier (par ex. : un Asiatique stressé, matérialiste, fan de MTV et adepte du fast-food, etc.) et néanmoins vraies sur un plan global plus ancré dans l'héritage culturel et familial (par ex. : un autre Asiatique, ou le même, pris dans un autre contexte, quelques années plus tard ou dans un autre environnement géographique ou humain, manifestera des comportements très différents, etc.). Autre évidence, nombre de cultures urbaines asiatiques relèvent aujourd'hui davantage d'un cadrage dit occidental et certaines traditions ou cultures anciennes européennes, la culture celte par exemple, empruntent beaucoup au cadrage dit asiatique. Par ailleurs, « la » culture asiatique ou occidentale ne signifie pas grand chose en soit étant donné la multitude de cultures asiatiques ou occidentales, leurs différences énormes et leurs très fortes spécificités. Rien qu'en Indonésie, plus de trois cents cultures et bien plus de langues encore, parfois très différentes les unes des autres, cohabitent au sein d'une même nation ; de même en France où, c’est bien connu, il y a autant de cultures que de fromages… Mais il s'agit ici pour nous d'identifier clairement, en partant de la comparaison la plus simple, les clivages et divergences afin de mieux, par la suite, envisager les indispensables passerelles et syncrétismes entre Orient et Occident qui formeront, demain, les chances d'un monde global plus vivable…
OCCIDENT : le but, la fin
- Entre un point de départ et un point d'arrivée, ce qui importe c'est le but final, donc le point d'arrivée : ce but est la fin, c'est aussi demain et l'avenir. Ailleurs et plus tard. Survivre.
- On privilégie une approche rationnelle : importance accordée au mental, à l'intellect, au matériel. La pensée est linéaire et horizontale. Nord et Sud sont plus importants que Haut et Bas. Droite et Gauche. L'urgence et le stress. Le paraître et l'avoir. Economie de marché.
- L'ordre dans le désordre : confusion.
- Le maître mot est l'action. Historiquement, cela donne les " grandes découvertes ", les Croisades, l'esclavage, la colonisation, l'impérialisme, etc. Stratégiquement, le Monopoly et la guerre selon Clausewitz et aujourd'hui G. W. Bush. Agir dans l'urgence. Droit d'ingérence. Puissance des armes, de la force, extérieure.
- Au niveau religieux, le monothéisme s'impose et l'action favorise le prosélytisme religieux. En raison des dogmatismes, le fanatisme est constamment une menace au détriment de l'ouverture aux autres spiritualités et cultures. Le Bien et le Mal, le dualisme, la transcendance et les religions révélées. La ligne droite.
- Le sourire pincé masque une culpabilité non assumée (Christ en croix)…
- L'être humain est considéré comme étant supérieur à son environnement, il est placé au-dessus des autres êtres vivants (animaux et plantes). L'individualisme prime, tout comme le bout du chemin : l'homme domine et maîtrise la nature. Une Nature donc ennemie et inhospitalière, exploitable et profane. Le feu.
- En Occident, il existe traditionnellement quatre points cardinaux : est, ouest, nord et sud. Importance des extrémités et, en graphie, du point. Déliance et solitude. Retour à l'individu.
- Refus du corps. Séparation de l'esprit et du corps. Surhomme et culte du corps.
- Dans le contexte occidental, la mort est une fin. Elle est l'inverse de la vie. Occultation de la mort.
- L'intervention dans la marche des choses : vise à la domination.
- Dans le domaine de la connaissance, l'Occident favorise la séparation des savoirs. Ici, on découpe la pensée.
- Présence, bavardage : le plein.
- L'important c'est l'origine du monde. Il y a coupure : la théorie.
- La lumière. Le devant et la mise en scène du monde.
- La culture contre la nature.
ORIENT : le chemin, la voie
- Du point de départ au point d'arrivée, ce qui importe c'est le chemin poursuivi, donc la voie du milieu, ce qui se trouve entre le point de départ et le point d'arrivée : cette voie médiane, c'est aussi le présent. Ici et maintenant. Vivre.
- On privilégie une approche intuitive : importance accordée au ressenti, aux sensations, aux émotions, à l'imagination créative. La pensée est circulaire et verticale. Haut et Bas sont plus importants que Nord et Sud. Amont et Aval. L'essentiel et la lenteur. L'être et le savoir. Economie du don.
- Le désordre dans l'ordre : fusion.
- Le maître mot est l'interaction. Historiquement, cela donne le repli sur ses terres, la grande Muraille de Chine, l'oubli du monde et en même temps l'autonomie et l'indépendance politique, l'héritage gandhien, etc. Stratégiquement, le jeu de go et l'art de la guerre de Sun Tzu. Interagir avec patience. Devoir de silence. Puissance de l'âme, de l'énergie, intérieure.
- Au niveau religieux, l'animisme, le chamanisme et le polythéisme trouvent un écho au milieu de l'hindouisme, du bouddhisme, du confucianisme, du taoïsme, etc. L'interaction favorise le syncrétisme religieux. En raison du syncrétisme et des adaptations, absence de dogmatisme et de fanatisme au profit d'une plus grande tolérance envers les apports extérieurs s'ils n'entravent pas l'harmonie autochtone. Le Yin et le Yang, l'anti-dualisme, le refus de la transcendance et les spiritualités ouvertes. Le détour.
- Le rire franc illustre une sérénité assumée (Bouddha rieur)…
- L'être humain est considéré s'intégrer harmonieusement à son environnement, dont il faut partie au même titre que les autres formes de vie, animale et végétale. L'holisme prime, tout comme le milieu du chemin : l'homme vit dans et avec la nature. Une Nature donc amie et hospitalière, féconde et sacrée. L'eau.
- En Extrême-Orient, il y a cinq points cardinaux : les quatre habituels (est, ouest, nord, sud) et un cinquième, le centre. Importance du milieu, du cœur, et, en graphie, du trait. Reliance et promiscuité. Recours à la communauté.
- Sublimation du corps. Fusion de l'esprit avec le corps. Homme et culture du corps.
- En Asie, la mort est un passage. Elle est l'inverse de la naissance. Vénération de la mort.
- Le prolongement dans l'ordre du monde : vise à l'harmonie.
- En Asie, tout a à voir avec tout, et les branches de la connaissance sont en profonde correspondance. Là, on recoupe la pensée.
- Absence, silence : le vide.
- L'essentiel c'est le fonctionnement du monde. Il y a continuité : la pratique.
- La pénombre. Le retrait et les coulisses du monde.
- La culture avec la nature.
En 1997, au centre de l’île de Java, récolte du café et triage des grains, dans des plantations héritées de l’époque coloniale hollandaise. Les jolies demeures coloniales ont parfois été rénovées et hébergent des touristes de passage désireux de connaître le procédé du travail autour du café. Un début prometteur d’agritourisme ? A suivre…
Pour prolonger le débat… et provisoirement conclure ce « tableau » indicatif, on pourrait méditer sur la différence, mais également l’évidente complémentarité, entre le « je pense donc je suis » cher à René Descartes et le « nous sommes ce que nous pensons » de Bouddha. Tout en optant, de notre côté, pour cette pensée d’Oscar Wilde susceptible de satisfaire tout le monde : « deviens qui tu es »… Des voyageurs vont bien en Asie, à Bali notamment, pour tenter de « mieux devenir eux-mêmes », non ? Ou encore pour enfin découvrir qui ils sont… ou voudraient être !
Franck Michel
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