chats pays Toraja indonésie

Entre ciel et terre, les chats sacrés
du pays Toraja

 

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Les Toraja - plus précisément le groupe Toraja Sa’dan - vivent principalement dans le département (kabupaten) de Tana Toraja qui se trouve dans la province de Sulawesi-Sud en Indonésie, à quelque 300 kilomètres au nord de la capitale Ujung Pandang. La population dépasse actuellement les 400.000 habitants et vit en grande partie de la culture du riz et dans une moindre mesure d’autres produits de la terre (café, épices, légumes), sans oublier évidemment les retombées du tourisme. La capitale administrative de Tana Toraja (on utilise aussi l’acronyme Tator) est Makale (au sud), mais la ville la plus importante, carrefour économique et touristique du pays, est Rantepao (au nord). L’environnement montagneux a contribué à l’isolement relatif des Toraja jusqu’à l’arrivée – assez tardive - des colonisateurs hollandais en 1906-07. Leur culture et langue sont austronésiennes, leur religion autochtone relève davantage d’un mode de vie et de pensée en lien étroit avec la « voie des ancêtres ». La majorité des Toraja sont aujourd’hui chrétiens mais en dépit de conversions et des changements socio-culturels - notamment ceux induits par l’ingérence de l’Etat indonésien et par le tourisme international dans les affaires locales - qu’ils connaissent depuis quelques décennies, les faits culturels et religieux continuent d’occuper un rôle essentiel comme les montrent par exemple les cérémonies funéraires dites traditionnelles. Le monde des Toraja se découpe habituellement en deux sphères distinctes fixées à la fois par la coutume (adat) et la religion (aluk) : l’Est et l’Ouest, le matin et le soir, les rites funéraires et les rites propitiatoires, etc (1).

 

Les chats s’intègrent, comme ils le font dans la vie de tous les jours, dans l’ensemble de ces éléments culturels et religieux ainsi que dans certaines histoires et croyances populaires. Entre l’ici-bas et l’au-delà, les chats « sacrés » ou « royaux » (serre’datu) transgressent les deux sphères de l’existence et de l’univers toraja. Quelque part entre le ciel et la terre, parmi les morts, les ancêtres, les dieux et les vivants.

 

 

D’où provient cette sainteté princière attribuée à certains chats toraja ?

 

Les serre’datu ou chats « princiers » ne sont pas autorisés à toucher la terre ferme de la date de leur naissance jusqu’à celle de leur mort, et même dans leur vie dans l’au-delà… En pays toraja, les personnes âgées racontent que seuls les chats sont autorisés à manger dans les plats des êtres humains. Les serre’datu sont directement associés au tongkonan (ou maison d’origine) ; en bas de celle-ci, il y a les chiens dont les chats ont peur ; ils restent donc à l’intérieur du tongkonan et les gens les ont appelé serre’datu. Mais comment en est-on donc arrivé là ? Une « très vieille » histoire, qui nous a été racontée par le To’minaa (officiant et spécialiste du culte des ancêtres) Ne’Kila, nous en dévoile une partie des secrets et des raisons.

 

Un jour, tous les animaux du monde ont organisé une réunion pour décider qui deviendrait leur roi ; le chien fut désigné comme étant leur représentant suprême. Mais le chien, qui savait déjà qu’il allait être choisi pour porter la couronne royale, est arrivé en retard à cette rencontre. Notons que jusqu’à l’arrivée de ce dernier au meeting, le chat avait également soutenu l’élection du chien au trône. A son arrivée, le chien est très fatigué et s’installe à la meilleure place, il s’assied en haut d’un rocher. Le pénis du chien est alors exposé de plus en plus en érection, puis celui-ci commence à le lécher. L’assemblée est quelque peu troublée, le chat est particulièrement choqué par ce spectacle, et dit devant tous les autres animaux : « Comment élire un roi comme ça, avec de telles mauvaises habitudes ? »… Le chien entend ces propos et se met dans une grande colère, il tente d’attraper le chat qui grimpe rapidement dans un arbre, mais le chien ne parvient évidemment pas à le suivre. Voilà pourquoi jusqu’à maintenant, les chiens n’aiment pas les chats et essaient toujours de les attraper.

 

Le chien demande au buffle :

 

« Que penses-tu de notre Puang (ici, le chef homme de la famille) ? »

« J’espère que ses enfants seront tous des fils », répond le buffle.

« Pourquoi donc ? », renchérit le chien.

« Parce que si tous ses enfants sont des garçons, alors ils pourront chercher l’herbe que nous aimons tant », précise le buffle.

 

Voilà pourquoi les buffles préfèrent les garçons aux filles, et pourquoi ils sont quelquefois agressifs avec ces dernières.

 

 

Le chien demande au porc :

 

« Que penses-tu de notre Puang ? »

« J’espère que ses enfants seront tous des filles », répond le porc.

« Mais pourquoi ? », insiste le chien.

« Car dans ce cas, elles pourront chercher et préparer notre nourriture quotidienne (patates douces, feuilles…) », rétorque le porc.

 

Voilà pourquoi les porcs aiment davantage les filles et sont parfois furieux à la vue des hommes.

 

 

Le chien demande au coq :

 

« Que penses-tu de notre Puang ? »

« J’espère qu’il va bientôt se séparer de sa femme », répond le coq.

« Ah bon, et pourquoi ? », demande le chien.

« Parce que s’il divorce, on pourra diviser tout le riz en deux, et nous pourrons becqueter à souhait (ce qui tombe à terre lorsqu’on divise le riz) », dit le coq.

 

 

Le chien demande au chat :

 

« Que penses-tu de notre Puang ? »

« J’espère qu’il deviendra riche rapidement », répond le chat.

« Et pour quelle raison ? », interroge le chien.

« Car s’il est riche, tous les jours je pourrais manger du poison et boire du lait de buffle », ajoute le chat.

 

Enfin, la discussion s’arrête, les quatre autres animaux se tournent vers le chien et lui demandent :

 

« Et toi alors, que penses-tu de notre Puang ? »

« J’espère que le Puang meurt bientôt », répond le chien.

« Pourquoi cela ? », s’étonnent les quatre animaux.

« Parce que dans ce cas, je pourrais manger un peu de viande, récupérer les os, ainsi que recevoir la peau de buffle », explique le chien.

 

 

Mais, voilà que le Puang arrive et a tout entendu de cette conversation, la discussion s’arrête brusquement ; il est très en colère et s’énerve de plus en plus. Le buffle étant sous le tongkonan et le porc à côté de celui-ci ne subissent pas la fureur du chef de famille. Le Puang prend du coin du feu un morceau de bois brûlant et le jette en direction du coq qui s’enfuit aussitôt et sort en hâte de la maison. Quant au chat, tranquillement assis devant le tongkonan, il lui demande d’entrer. Alors qu’on prépare le repas pour tout le monde, le Puang propose une assiette de nourriture au chat venu rejoindre la famille. Le plat servi dans l’assiette du chat contient du riz et du lait. Depuis ce temps lointain, le chat est désigné comme le roi de tous les animaux et perçu comme étant l’animal le plus proche de l’être humain. Voilà pourquoi on appelle ces chats hautement vénérés sinon sacralisés serre’datu(2).

 

 

Les différents types de chats et les qualités ou fonctions qui leur sont attribuées

 

En 1946, Harry Wilcox constate que le chat était tenu en haute estime par les habitants de La’bo, région où il séjournait durant près de six mois. Il remarque également que le chat sauvage et le chat normal auxquels on coupe la queue et qui proviennent de Palopo (sur la côte, à l’est de Tator), n’avaient pas de statu plus élevé que le chien, un sort très différent étant réservé au serre’datu(6). Les observations divergent entre Van der Veen et Wilcox quant à la description des serre’datu : le premier affirmant qu’ils n’étaient pas d’aspect différent des autres chats, le second estimant qu’ils étaient plus petits et « tigrés », et avaient une longue queue, Nigel Barley, auteur d’un récit de voyage ethnographique en pays toraja, bien hilarant au demeurant, relève par la voix d’un autochtone, que le lord cat ressemble aux autres chats, la seule différence résidant dans le fait qu’il ne peut jamais quitter la maison sauf si le propriétaire le porte jusqu’au grenier à riz pour qu’il y tue les souris(7).

 

Nous avons vu qu’à partir des témoignages de la plupart de nos informateurs, il existerait de nos jours encore de nombreux serre’datu et qu’il suffirait d’aller dans les villages pour en rencontrer et se rendre compte de cette « évidence ». Ceci n’est pourtant pas l’avis de Hetty Nooy-Palm qui, en 1945-50, n’a pas réussi à en rencontrer. Plus tard, il lui sera encore difficile d’en trouver, et elle note qu’il est en outre délicat de les distinguer maintenant que des chats de toutes sortes se promènent dans le pays ; une rareté également consécutive, selon elle, au fait que l’endroit principal du chat se trouve de plus en plus dans une maison située juste à côté du tongkonan(8).

 

La couleur des chats n’entre pas en considération dans la définition de leur caractère sacré (ni de leur sacré caractère !) ; de même, mâles ou femelles peuvent être indifféremment serre’datu. Les seules distinctions notables concernent ce qu’il convient d’appeler les modalités et les manières princières de l’accouplement : lorsqu’une chatte sacrée est en chaleur, on la sort du tongkonan, on la porte dans endroit surélevé où se trouvent d’autres chats sacrés ; puis, après deux ou trois jours, on vient la rechercher pour la porter à la maison. Par contre, quand c’est le chat sacré qui est en quête de femelle, on lui apporte directement une compagne chez lui à l’intérieur du tongkonan. Les gens préfèrent généralement les serre’datu femelles car leurs petits rejetons seront – c’est une obligation seulement pour les chats sacrés – échangés contre de menus objets voire contre de la nourriture ou des services rendus. La différence sexuelle et d’une certaine manière la virilocalité en vigueur chez les humains sont ici transposées dans le monde des chats princiers, qui sont, comme nous l’avons dit et le constatons encore ici, les animaux les plus proche des êtres humains. On remarquera aussi qu’à l’intérieur du tongkonan, une place est réservée aux chats et porte même leur nom : pata serre’. Il s’agit de la poutre centrale qui traverse toute la longueur de la maison. Le chat se promène dessus et « contrôle » ainsi la circulation des souris ! Selon Ne’Kila, c’est également parce que les chats possèdent – et maîtrisent – cet endroit précis dans le tongkonan qu’ils n’ont plus besoin qu’on leur attribue des motifs dans les gravures sur les façades des maisons d’origine (le buffle et le coq, parfois le porc, ont des motifs qui les représentent… mais ils ne peuvent pas se promener à l’intérieur du tongkonan ! (9)).

 

Les histoires sur les chats sont très nombreuses en pays toraja. Ces animaux familiers des hommes sont présents dans les chansons populaires et dans l’ensemble de la littérature orale : londe (quatrain), puama (légende), karume (devinettes), etc. Harry Wilcox évoque une histoire assez loufoque mettant en scène « le chat avec un Collier en Fer » : il s’agit de l’histoire d’un énorme chat sauvage qui porte un collier en métal lumineux durant la nuit. Posséder un tel collier procure une force considérable y compris un pouvoir magique(10). Le chat intervient aussi quelquefois dans la mythologie(11). Signalons ici seulement ce karume qui nous a été proposé par Ne’Kila : « Dia’ du’dun/Topo du’dun » (réponse « serre’ »), ce qui signifie approximativement : « après avoir bien mangé, il est tranquillement assis/il a faim, il est tranquillement assis ? » (réponse « le chat »(12)). Comprenons : le chat détient une sagesse et une force tranquille (car même si le chat a l’air insouciant, il attrape quand même les souris), ce qui bien entendu doit nous inspirer le respect ainsi que la sympathie.

 

 

Croyances populaires et/ou religieuses

 

Tous les chats - non seulement les serre’datu - symbolisent la richesse du foyer, c’est la raison pour laquelle ils sont également très respectés par les habitants. D’après Ne’Sina, il y a beaucoup de sese’datu dans la région de Sangalla’. Si par hasard, l’un d’entre eux en venait à tomber par accident en bas du tongkonan, on peut le « récupérer », en le faisant repasser exactement par l’endroit par lequel il est tombé ; il faut ensuite lui cracher au visage ; dans ce cas, le sese’ est toujours - ou plutôt à nouveau - sese’datu. Si on accepte de prendre chez soi un chaton provenant d’un sese’datu, il faut impérativement donner (ou plutôt rendre) un « cadeau » à la personne qui nous l’offre : une natte tissée d’une certaine façon, un piso (couteau), des herbes ou des plantes notamment kemiri, ada (la tige coupante) et duri (la tige piquante), etc(13). Plus loin, nous verrons que la natte et le couteau sont des éléments essentiels qui accompagneront également le chat après sa mort.

 

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Non seulement vénéré sans conteste par la plupart des Toraja, qui placent le chat sans doute à la deuxième place de leur panthéon animalier, immédiatement après le buffle, le chat est un « protecteur » des biens du foyer. Et puis surtout, il chasse les souris et les rats qui dévastent souvent les greniers et réserves de riz. Avant de citer Van der Veen, H. Nooy-Palm relève que le chat, le riz et le feu sont étroitement liés, et qu’à Kesu’, la chatte est appelée « mère de tous les biens » : « La chatte appartient à la famille des biens. Elle est la gardienne du panier tissé en bambou avec le couvercle en bois dans lequel les bijoux sont conservés, le ruban du bas du panier rempli de bijoux (14)». Un autre passage de Van der Veen complète cette idée de protection (on observe que les deux passages ici cités de Van der Veen sont extraits des chants interprétés à l’occasion de cérémonies très importantes, comme un Ma’bua) : « La chatte est la source des biens. Elle le démontre en empêchant la souris de commettre ses méfaits, les souris avec leurs queues de bétel. Grâce à elle, les vêtements pliés sur le haut du panier durent plus longtemps (15) ».

 

Nous pouvons constater le parallèle entre les propos recueillis par Van der Veen et ceux présentés, toujours sous une forme proverbiale (la langue utilisée n’est pas le simple bahasa toraja mais langue sacrée et rituelle que maîtrisent seulement les To’minaa et d’autres officiants de l’aluk), par Ne’Kila :

 

« Serre’mo oto’na eanan.

Ce chat est la source de tous les biens.

Serre’kambina banua, rioanna kampolo pirri.

Le chat veille sur la maison et surveille le panier en rotin (ou bambou) rempli d’affaires.

Serre’annan palesunna, karua tanda-tandana.

Le chat possède six endroits vitaux, qui peuvent aller jusqu’à huit (16)».

 

Comme les précédents, ce « proverbe sacré », qui parfois peut dans d’autres versions (comme précisé plus haut) rejoindre différentes formes de littérature orale toraja - londe (quatrain), puama (légende) voire karume (devinettes) - est surtout destiné à définir les « bons » chats et rappeler aux humains qu’il faut les respecter, ce texte dérive sans doute également des récitations données lors de certaines fêtes aluk todolo.

 

Le chat protège donc les biens (les vêtements, la nourriture, les affaires, etc.) de la famille, il chasse les souris et les rats (d’où son association avec le riz), il exerce aussi une fonction religieuse et bénéficie de funérailles toutes particulières. A l’instar de toutes les créatures provenant du « monde d’en haut », le chat possède son ancêtre mythique : Tanduk Bangkudu, « Celui avec les Cornes Rouges ». Une appellation qui fait sans doute référence aux oreilles qui pointent (pour la région de Sangalla’). Dans d’autres parties du pays, les mythes racontant la descente sur terre du premier chat diffèrent de manière considérable : à Tikala et à Riu, par exemple, l’ancêtre du chat fut créé en même temps que le premier être humain(17). Pour notre part, tous les informateurs confirment cette dernière hypothèse, ainsi que Ne’Kila qui ajoute toutefois que l’ancêtre mythique du chat porte aussi couramment le nom de Datu Banua, c’est-à-dire « le Roi de la maison ». Un anthropologue « en déroute » signale que les Toraja évoquent les histoires animalières pour, en fait, parler d’eux-mêmes et en particulier de leur rigide système social (en général pour le justifier) : ainsi, Nigel Barley observe que les chats princiers ne peuvent copuler qu’avec d’autres chats princiers apportés spécialement à cette intention par leurs « maîtres »… qui, en réalité, se représentent à travers l’image de « leur » chat. Les chats sont donc modelés à la fois sur et pour les grandes familles nobles toraja(18).

 

Une autre histoire, plus populaire que religieuse, raconte l’origine de la haine que se vouent entre eux les souris et les chats, ainsi que la raison pour laquelle il ne faut pas être trop extrême et pourquoi il faut respecter les femmes enceintes (mais aussi les animaux qui portent des petits). Voici ce récit sur le thème certainement universel des « souris qui dansent » et qu’on pourrait intituler « Des souris et du chat ».

 

« Jadis, il y a très longtemps, les souris et les chats vivaient ensemble en bonne harmonie ; les souris contrairement aux chats, séjournaient tantôt à l’intérieur tantôt à l’extérieur du tongkonan. Les chats savent depuis toujours que les souris volent du riz mais cela n’empêcha pas les deux parties de s’entendre. Un jour, après le dernier rituel aluk pare (rite agraire faisant suite à la fin de la récolte de riz), juste après qu’on procède collectivement au stockage du riz dans les alang (greniers à riz), les souris viennent à l’intérieur de la maison car elles savent aussi qu’à cette fête il y a beaucoup de riz à l’intérieur du tongkonan. Le soir, on prépare la cérémonie, le riz déjà cuit est mis dans un grand panier où il restera conservé avant d’être consommé (il est cuit la veille et mangé le lendemain). Puis, les gens éteignent la lumière et commencent à dormir. Les souris discutent ensemble sur la meilleure manière de voler le riz, pour elles mais aussi pour leurs amies ; le chat qui habite dans le tongkonan a entendu toute leur conversation. De plus en plus de souris arrivent de partout. Les unes disent aux autres que dès qu’elles entendent quelque chose tomber faisant comme bruit « utung », ça voudra dire « unda’to » (« ce belungdak », c’est-à-dire ce paquet de riz plié dans une feuille de palmier ; remarquons que les souris pratiquent le bahasa balau, « langue des souris » !), et si elles entendent « ese » ça signifiera « paeto » (« ce riz-là », en l’occurrence le bruit du riz normal en grains qui tombe par terre sur le plancher). Vous suivez toujours ? Alors poursuivons… Le chat est à l’affût, il entend absolument tout. Il se demande ce qu’il peut faire contre elles, car il n’aime pas du tout ça, surtout qu’il entend beaucoup d’autres souris qui attendent dehors ! Il a une idée, il les invite pour danser puisque le Puang (le chef de la maison) organise une cérémonie. Toutes les souris entrent alors dans la maison (et bientôt dans la danse !) et sont ravies d’être invitées par le chat. Ce dernier et toutes les souris sauf une dansent dans le tongkonan. Pendant les danses, la musique forte et l’ambiance aidant, le chat tue et mange toutes les souris les unes après les autres, à l’exception d’une seule souris qui est assise dans un coin et regarde ses amies danser, celle-ci ne pouvant pas les rejoindre car elle est enceinte. Seulement, elle voit soudain la bouche du chat rouge de sang, et elle constate que les souris sont de moins en moins nombreuses sur la « piste » de danse. La souris enceinte fuit le carnage et cherche un endroit plus sûr. Elle sort de la maison et se réfugie en-dessous dans un lampa tesse (long récipient « brisé » en bambou confectionné pour chercher de l’eau). Après avoir mangé toutes les autres souris, le chat ne parvient pas à l’attraper, malgré son acharnement à vouloir en découdre une bonne fois pour toutes avec les souris. A cinq heures du matin, le coq se met à chanter, le chat cesse d’essayer de l’attraper et retourne dans la maison. Au même moment, la souris enceinte sort du morceau de bambou pour se rendre dans un lieu plus éloigné et plus sûr. Elle engendrera de nouvelles souris qui elles-mêmes en donneront beaucoup d’autres. Le chat croyait à tort qu’elle était morte dans le bambou et qu’il n’y a donc plus du tout de souris. Il s’est bien trompé ! Depuis cet événement, il est interdit de couper, de brûler ou de briser entièrement un lampa tesse, car les souris mangeraient et dévasteraient les rizières et tout le riz serait perdu. Le coq et la souris sont amis car le chant du coq est un avertissement indiquant que la voie est libre, un signe de liberté pour les souris. Depuis ce temps aussi, le chat et la souris n’ont plus de bonnes relations ; la souris enceinte a raconté cette histoire aux jeunes, et désormais les souris évitent autant que possible les chats. Rencontrer des femmes enceintes en chemin est toujours une bonne chose. La souris enceinte voulait en fait seulement regarder ses amies danser et non pas voler du riz, le chat, lui, voulait exterminer tout le monde ! Il ne faut jamais tuer des femelles ou des femmes enceintes. On doit respecter celles qui donnent la vie et toujours céder le passage aux femmes enceintes (19)».

 

Trop « extrémiste » dans cette histoire qui tourne à l’avantage de la souris, le chat a perdu ici une bataille mais non la guerre, et les chats sont toujours très demandés lorsqu’il s’agit de chasser les souris. De plus, à l’exception peut-être des souris enceintes, celles-ci n’inspirent pas le respect, contrairement aux chats. Les tabous et autres interdits (pemali) à leur compte sont particulièrement nombreux. Il faut encore avoir à l’esprit qu’en terre toraja, les animaux ne sont normalement tués qu’à titre exceptionnel et seulement lors des cérémonies rituelles aux règles strictes et précises. Brutaliser ou humilier une bête hors de ces contextes n’est pas de bon augure pour le « bourreau ». A l’instar des mondes végétal et humain, le monde des animaux bénéficie également, dans la vie quotidienne, d’une grande attention entretenue affectueusement et nourrie de respect envers tous les univers et êtres vivants. L’homme ne représente qu’un des maillons parmi beaucoup d’autres de la chaîne de la vie toraja. Posséder des animaux domestiques est un peu comme avoir des enfants, c’est d’abord un symbole de richesse qui peut ensuite se transformer en signe ostensible de pouvoir. Dans deux versions du mythe du chat (recueillies en 1974-75), J. Koubi explique que les chats ne sont pas seulement protecteurs des biens de la communauté, mais aussi garants d’une bonne hospitalité et du respect envers les invités : « le mythe du chat montre que la croyance, selon laquelle les visiteurs inconnus peuvent être des dieux ayant pris forme humaine, s’appuie sur la littérature orale. Mais, dans tous les cas, dieu ou pas, l’invités lors sera ‘roi’ et sera traité avec les égards dus à son rang ; le soin extrême apporté à la réception des invités lors d’une fête funéraire n’est qu’un exemple, parmi tant d’autres, de cette règle (20) ».

 

 

Coutumes et rituels associés aux chats

 

 

A propos des divers interdits liés au chat, Hetty Nooy-Palm nous informe qu’il ne peut pas être mangé ou tué. Il ne faut surtout pas le harceler avec un bout de bois brûlant (contrairement au chien ou au coq, comme nous l’avons vu plus haut) ; il arrive cependant que des gens tuent un chat qui a mangé une poule, un acte, souligne Nooy-Palm, qu’un serre’datu ne commettra jamais puisqu’il reste dans la maison : « la personne qui a tué un chat doit sacrifier une poule sinon elle deviendra pauvre (21)».

S’attaquer aux chats n’est jamais sans risque…

 

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Le To’parengngne Ne’Sina, accompagné du To’bara (un officiant aluk pour un rituel agraire), précisent tous deux qu’ils n’ont jamais vendu de chats, sacrés ou non, et ajoutent qu’avant que les Japonais n’arrivent à Rantepao (en 1942), il existait un marché de chats, le dernier datant de 1938. Le test qui était alors en application pour savoir si le chat était réellement un serre’datu ou non consistait à suivre l’épreuve que voici : on posait le chat en haut d’un sarong (22), s’il se maintenait un certain moment sans tomber, cela signifiait qu’il était datu (23).

 

Sur un plan strictement religieux, la fonction du chat consiste à assister le juge de Puya (l’autre Monde), Pong Lalondong, en évitant de distribuer des biens aux âmes des personnes ayant commis des crimes ou des vols durant leur séjour terrestre. Après la mort, il restitue cependant les biens volés à son propriétaire. Provenant du Ciel, le chat devient juge dans Puya. C’est ainsi qu’en quelque sorte originellement tombé du ciel il y retourne après sa mort. Il est lié avec la mort et pour cette raison fait l’objet d’une attention toute spécifique quand quelqu’un vient à mourir dans la maisonnée. Le chat intervient notamment au tout début du cycle funéraire. L’ethnologue Koubi note que dans les environs de Rantepao, au moment de « l’ouverture de la fête » (concernant la première fête funéraire), « est effectué le rite serre’dipopentuyo, ‘faire que le chat se suicide’ : on attrape le chat du défunt et, sans le lâcher, on le dépose un instant sur la plate-forme du foyer, puis sur le plancher. On répète ces geste trois fois en disent : ‘Ton maître est mort, suicide-toi, chat !’ » ; ce suicide symbolique du chat étant censé représentent le chat qui se jette dans le vide pour suive le défunt. Et J. Koubi de remarquer qu’à cette occasion le terme « mort » est prononcé au sujet de la personne décédée jusque-là seulement considérée comme étant « malade » : « mais ce rituel étant assez rare, pour que cet interdit verbal soit levé, il faut généralement attendre le lendemain, premier jour de la fête funéraire (24)».

 

Selon H. Nooy-Palm, toujours dans la région de Rantepao, on transporte le chat dans un autre endroit après lui avoir annoncé le décès de la personne ; à Makale également, on déplace le chat pour éviter qu’il ne s’engraisse à force de fixer le défunt, et donc de ne plus être capable d’attraper les souris ; à Kesu’, le chat accompagne dans la mort le défunt qu’il protégera dans l’au-delà comme il l’a fait sur terre en veillant sur ses affaires (le chat est « jeté du haut » pour qu’il « ressente que son maître vient de périr »(25)). Harry Wilcox remarque aussi cette habitude de déplacer les chats de la maison à l’occasion d’un décès ; il a ainsi entendu que le chat est emporté dans une autre maison jusqu’à ce que le corps du défunt soit amené au rante (champ sacrificiel) lors de la cérémonie funéraire(26). A l’occasion d’une cérémonie funéraire - celle de Sa’pang, un riche agriculteur - dans le district de Kesu’, Hetty Nooy-Palm rapporte que la serre’datu devait normalement être présent au moment où le défunt cesse d’être considéré comme une personne « malade », et meurt donc « officiellement », mais le chat était introuvable ! Finalement, lorsque l’animal est repéré, il est capturé puis jeté vers le bas, à l’endroit où l’on fait la cuisine : une habitude rituelle qui représente « le suicide du chat car son maître est mort » (mentuyo serre’mate puangna). Ensuite, le « calvaire » du serre’datu, se poursuit de la sorte : on le saisit par la tête en lui disant à trois reprises que le maître est mort ; et Nooy-Palm de relever que cela en fut trop pour le chat qui, à peine retombé sur ses pattes, s’est enfuit le plus rapidement possible(27)…

 

Le to’minaa Ne’Kila nous livre une version assez identique de ce récit : « quand un mort se trouve dans le tongkonan, le chat est placé au sud de la maison. Quelqu’un de la famille l’attrape et le pousse à terre en criant par trois fois « mati puangmo ». Le chat peut ensuite retourner dans la pièce où repose le défunt. On apprend que pendant les trois jours qui suivent, le chat ne peut se nourrir que de viande (de buffle ou de porc, sacrifiés lors de la fête funéraire) ; après seulement, il mangera à nouveau du riz. Il faut encore préciser que le chat ne mange pas la nourriture spécialement préparée à l’intention du mort (28)».

 

Lorsqu’un chat meurt, non seulement un serre’datu, son corps est déposé dans un arbre. Le chat mort est placé dans un petit panier (à Kesu’) ou enroulé dans une natte tissée (à Makale). A Kesu’, on dépose avec son corps une aiguille (pour le chat) ou un couteau à couper le riz (pour la chatte). A Makale, Baruppu’, Sangalla’, ainsi qu’à Rantepao, le chat mort reçoit de la nourriture pour son séjour dans l’autre Monde(29). A La’bo, on tisse une natte de manière particulière et on enveloppe le chat mort à l’intérieur avec également un petit couteau ; puis on dépose le tout dans une branche d’un arbre appelé po’pong(30). Un récit analogue nous a été raconté par Ne’Kila qui ajoute que cette coutume montre surtout que les Toraja, depuis fort longtemps, respectent particulièrement les chats, puis de préciser : « Aujourd’hui encore, il y a beaucoup de chats qui sont enterrés dans les arbres (31)». Le chat est aussi évoqué lors de la cérémonie du Ma’bua en tant que gardien des biens de la maison et comme animal associé au riz. Il faut distinguer, comme la séparation primordiale entre les rites de l’Est (Rambu Tuka’) et les rites de l’Ouest (Rambu Solo’), celle qui s’opère entre le chat lié aux rites agricoles et le chat qui est au contact de la mort : les deux mondes, celui de la vie et celui de la mort en quelque sorte, ne peuvent en aucun cas (ou presque) se rencontrer. L’ordre de l’univers dans sa version toraja en dépend.

 

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A sa manière, Harry Wilcox note également que « les chats peuvent voir des fantômes. Quand ils deviennent fous, sans raison apparente, cela signifie qu’ils viennent parfois de croiser un bombo (32) ». Interrogé sur ce thème, Ne’Kila estime de son côté que « les chats viennent parfois de voir un bombo lorsqu’ils sont effrayés, poussent des cris et se cachent dans quelque endroit de la maison. Cela arrive surtout s’il y a un mort dans la maison (33)». Très prudents sur cette question, la plupart de nos informateurs - manifestement moins bien « informés » à ce sujet - nous répondent simplement en disant qu’effectivement, les chats peuvent peut-être voir des bombo, mais que cela reste extrêmement difficile à prouver… Pour Nooy-Palm, c’est ici aussi que le chat occupe un rôle important dans le monde des morts, notamment en qualité d’assistant de Pong Lalondong. Si un chat n’est pas respecté ou si quelqu’un tente de le ridiculiser, il court le risque de renaître lui-même sous la forme d’un chat. D’une certaine manière, le chat rappelle la plus importante catégorie de prêtres en pays Toraja : celle des To’burake. Comme l’explique H. Nooy-Palm : « le chat aussi appartient à différents mondes. Et pour cette raison, il n’est pas étonnant qu’à Kesu’, le chat soit considéré comme étant l’ancêtre du burake tattiku’, Celui-ci était le chat Burake Manakka (…). Les Burake Manakka sont les Burake qui cherchent les souris pendant la fête Ma’bua (34)». Le chat jouit par conséquent de ce rare privilège en pays Toraja, seulement partagé par le To’burake, de pouvoir communiquer et être en relation à la fois avec l’Est et l’Ouest, les Rambu Tuka’ et les Rambu Solo’, la fertilité ou la fécondité et la mort et la vie dans l’Autre Monde. Un sacré privilège auquel très peu d’humains n’aspirent même en rêve !

 

Le serre’ est encore capable d’interférer entre les morts et les vivants en décelant plus tôt que tout le monde l’état de santé des malades. Côtoyant le monde des morts, le chat peut voir plus facilement des bombo et ainsi anticiper du sort des malades. Ne’Kila note que si quelqu’un est malade dans la maison et si l’on désire savoir si cette personne va mourir ou non, on sert l’assiette de riz et de poisson destinée au souffrant au serre’datu ou au serre’lao : « si le chat mange le contenu de l’assiette, c’est que le malade ne mourra pas, si en revanche il refuse de manger, il est certain que la personne succombera à sa maladie. De plus, on observe que si le chat reste auprès du malade ou à son chevet, ou s’il continue à manger les restes de nourriture que lui offre et sert le malade, ce dernier s’en sortira et ne mourra pas. Si le chat se cache toujours dans la pièce où se trouve le malade, c’est qu’il a vu le bombo et donc qu’il a peur ; le malade mourra très bientôt ». Enfin, le chat est une sorte de « goûteur professionnel » puisque si l’on doute d’un aliment ou d’un plat (cela arrive surtout pour les champignons), on apporte d’abord la nourriture au chat : s’il commence à la manger, c’est que l’homme peut également la consommer, mais s’il refuse de toucher au contenu de l’assiette, il faut absolument s’abstenir de manger cette nourriture(35). Le chat est ainsi un « guide » précieux.

 

Roi des animaux, présent et acteur dans la vie sur terre et dans la vie dans l’au-delà, intercesseur entre les hommes et les divinités, le serre’datu se distingue des autres animaux ainsi que des hommes (à l’exception de To’burake). Pour cette raison notamment, mais aussi pour les autres qui peuvent paraître plus concrètes - comme celle d’attraper les souris -, les chats restent jusqu’à nos jours très appréciés et respectés par l’ensemble de la population toraja.

 

 

Franck Michel

 

 

 

 

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Notes...

 

 

(1) Cf. mon livre : Tourisme, culture et modernité en pays Toraja (Sulawesi-Sud, Indonésie), Paris, L’Harmattan, Coll. « Tourismes et Sociétés », 1997 ; ainsi que les deux articles consacrés aux Toraja et publiés dans la revue Histoire & Anthropologie : « Passé et présent de la vie religieuse chez les Toraja Sa’dan de Sulawesi-Sud », Histoire et Anthropologie, n°1, octobre-décembre 1992, pp. 33-40 ; « Rantepao : centre touristique du pays Toraja, Indonésie », Histoire et Anthropologie, n°12, 1er semestre 1996, pp. 137-140. Pour une introduction à la culture et surtout à l’histoire des Toraja, on pourra aussi consulter mon petit livre intitulé : Les Toraja d’Indonésie, Aperçu général socio-historique, Paris, L’Harmattan, 2001.

 

(2) Entretien avec Ne’Kila, Rantepao, 2 juillet 1995. To’minaa est une catégorie de « prêtres » de l’aluk todolo, la « religion traditionnelle » ou culte des ancêtres chez les Toraja Sa’dan à Sulawesi-Sud en Indonésie. Les guillemets entendent mettre l’accent sur l’utilisation - faute de mieux - de termes impropres et connotés. Cf. aussi la BD humoristique que nous avons réalisée collectivement à propos de ce récit : Ne’Kila, B. Rantelili, F. Michel, X. Fourt, Histoire du chat sacré toraja, Strasbourg, Ed. Histoire & Anthropologie, 1995, 15 pages (également en version indonésienne, Cerita kucing ratu di Tana Toraja).

 

(3) Datu signifie plus exactement « seigneur » ou « prince ». Le sort réservé au serre’datu chez les Toraja étant, assez curieusement, le même auquel est astreint le Datu ou prince bugis du Royaume de Luwu’ : rester dans sa demeure sans jamais en sortir. Nous ne pouvons pas résister à présenter au moins un autre exemple de souverain seulement autorisé à sortir de chez lui à la même manière, si l’on peut dire, des chats sacrés toraja : l’empereur du Japon d’il y a trois siècles ! « Le mikado croit qu’il serait très préjudiciable à sa dignité et à sa sainteté de toucher le sol de ses pieds ; aussi, quand il veut aller quelque part, doit-il être porté sur des épaules humaines » (Cf. Kaempfer, History of Japan, cité par J. Frazer, Le Rameau d’Or, Paris, Laffont, 1981, p. 487). Dans toute l’Asie, le chat - qui est d’abord un félin - jouit d’un statut habituellement élevé et privilégié. Et comme dans l’Egypte ancienne, il est souvent lié ou associé au pouvoir. Un autre « empereur » - chinois, rouge et presque contemporain -, Deng Xiaoping, a utilisé la figure du chat dans l’un de ses mots d’ordre les plus célèbres : « Peu importe qu’un chat soit blanc ou noir, pourvu qu’il attrape les souris »… En Asie du Sud-Est, comme ailleurs, la littérature (orale et écrite) confère une place de choix au chat : cf. par exemple Khing Hoc Dy, « Les chat dans littérature et la culture khmères », in Nguyên The Anh et A. Forest, ed., Notes sur la culture et la religion en péninsule indochinoise, Paris, L’Harmattan, 1995. Enfin, dans une fiction de l’auteur-voyageur chilien Luis Sepulveda, le chat est également convoqué dans un récit tout à son honneur (il éduque une mouette et prend soin de son petit), un peu sur les mêmes thèmes que nos sacrés chats toraja (cf. L. Sepulveda, Histoire de la mouette et du chat qui lui apprit à voler, Paris, Métailié, 1996). Nous pourrions multiplier les exemples littéraires ou culturels qui dans l’histoire ont tant honoré ou vénéré les chats.

 

(4) Cf. H. der Veen, J. Tammu, Kamus Toraja-Indonesia [dictionnaire toradja-indonésien], Rantepao, Yayasan perguruan kristen Toradja, 1972, p. 548.

 

(5) Entretien avec Ne’Kila, Rantepao, 7 septembre 1996. Ne’Kila note par ailleurs que les serre’lampung existent également avec des queues courtes mais elles ressemblent alors à celles que possèdent les chiens. Le chien, soulignons-le, ne bénéficie pas d’une bonne image parmi les Toraja, même « l’ami domestique » n’atteint pas le statut du simple chat.

 

(6) Cf. H. Wilcox, Six moons in Sulawesi, Singapour, Oxford Uni. Press, 1989 (1949), p. 113. L’auteur adopte l’ancienne transcription, c’est-à-dire sereh plutôt que serre’.

 

(7) Cf. N. Barley, Not a hazardous sport, Londres, Penguin Books, 1989, p. 143.

 

(8) Cf. H. C. M. Nooy-Palm, The Sa’dan Toraja : A Study of their Social Life and Religion, Tome I, « Organisation, Symbols & Belief », La Haye, Martinus Nijhoff, 1979, p. 216.

 

(9) Entretien avec Ne’Kila, Rantepao, 7 septembre 1996.

 

(10) Cf. H. Wilcox, op. cit., pp. 112-113.

 

(11) Cf., par exemple, le récit Polodang and Deatanna, raconté par B. Sarungallo, in H. C. M. Nooy-Palm, The Sa’dan Toraja…, Tome I, op. cit., pp. 154-156.

 

(12) Entretien avec Ne’Kila, Rantepao, 7 septembre 1996.

 

(13) Entretien avec Ne’Sina, Bebo (près de Sangalla’), 17 juin 1995. Ne’Sina, To’parengnge (chef coutumier) de Bebo, s’empresse de me montrer les « dons » - en l’occurrence des tiges de plantes - qu’on lui a donnés en « échange » de petit chats.

 

(14) Cf. H. C. M. Nooy-Palm, The Sa’dan Toraja..., Tome I, op. cit., p. 216. Assez curieusement, Van der Veen parle de la chatte plutôt que du chat dans ses traductions alors qu’il semblerait que cette distinction n’intervienne pas pour mes interlocuteurs et dans l’analyse des autres travaux consultés.

 

(15) Cité in ibid., p. 216. Nooy-Palm signale que la queue des souris est ici comparée à la tige des feuilles de bétel.

 

(16) Entretien avec Ne’Kila, Rantepao, 2 juillet 1995 et 7 septembre 1996. Précisons que cette traduction est inévitablement approximative. Ne’Kila note étonnement, reprenant le sens des nombres chinois, que le « six » évoque la chance et le « huit » la richesse…

 

(17) Cf. H. C. M. Nooy-Palm, The Sa’dan Toraja..., Tome I, op. cit., p. 215.

 

(18) Cf. N. Barley, op. cit., p. 143.

 

(19) Entretien avec Ne’Kila, Rantepao, 7 septembre 1996. Benny Rantelili, un ami de Rantepao, ajoute à ce sujet que, par exemple, quand on se rend à un combat de coqs quelque part dans la montagne, cela porte chance de rencontrer une femme enceinte, malchance par contre si l’on croise un aveugle en chemin.

 

(20) J. Koubi, Rambu Solo. « La fumée descend ». Le culte des morts chez les Toraja du Sud, Paris, CNRS, 1982, p. 327. Sur le mythe du chat, cf. pp. 321-327.

 

(21) Cf. H. C. M. Nooy-Palm, The Sa’dan Toraja..., Tome I, op. cit., p. 217.

 

(22) Grand et large couvre-chef en rotin de forme conique (avec le haut en pointe) que portent les femmes toraja (sauf dans la région de Mengkendek), le sarong (Toraja) ne doit pas être confondu avec le sarong (terme malais, et désormais intégré au vocable français) ou le sarung (Indonésien, sambu en toraja, mais on utilise aussi le terme dodo pour les femmes uniquement), c’est-à-dire une pièce de tissu qu’on s’enroule autour du corps (généralement de la taille) et qu’on porte dans toute l’Insulinde.

 

(23) Entretien avec Ne’Sina, Bebo (près de Sangalla’), 17 juin 1995.

 

(24) J. Koubi, op. cit., pp. 61-62.

 

(25) Cf. H. C. M. Nooy-Palm, The Sa’dan Toraja..., Tome I, op. cit., p. 217.

 

(26) Cf. H. Wilcox, op. cit., p. 113.

 

(27) Cf. H. C. M. Nooy-Palm, The Sa’dan Toraja : A Study of their Social Life and Religion, Tome II, « Rituels of the East and West », Dordrecht, Foris Publications, 1986, pp. 228-229.

 

(28) Entretien avec Ne’Kila, Rantepao, 7 septembre 1996.

 

(29) Cf. H. C. M. Nooy-Palm, The Sa’dan Toraja..., Tome I, op. cit., p. 217. Pour plus détails sur ces aspects concernant les chats en pays toraja, consulter l’article de Kruyt, dont Nooy-Palm s’est ici largement inspiré : cf. A. C. Kruyt, « De Toradja’s van de Sa’dan, Masoepoe en Mamasa Rivieren », Tijdschriff voor indische Taal-en Volkenkunde, La Haye, n°63, 1923-24, pp. 81-175.

 

(30) Cf. H. Wilcox, op. cit., p. 113.

 

(31) Entretien avec Ne’Kila, Rantepao, 11 juillet 1995. Par ailleurs, notre interlocuteur souligne que sur la route, un chauffeur de bemo (transport collectif) fait bien plus attention à ne pas écraser un chat plutôt qu’un chien ou une poule…

 

(32) H. Wilcox, op. cit., p. 112. Le bombo est l’âme ou le double d’une personne.

 

(33) Entretien avec Ne’Kila, Rantepao, 11 juillet 1995.

 

(34) H. C. M. Nooy-Palm, The Sa’dan Toraja..., Tome I, op. cit., p. 218.

 

(35) Entretien avec Ne’Kila, Rantepao, 7 septembre 1996. Ironiquement, Ne’Kila remarque qu’en Occident, pour constater si un repas n’est pas empoisonné, il faut un certain temps (test dans un laboratoire…), tandis qu’avec les fameux « dons » du malin chat toraja, on sait immédiatement si on peut ou non manger un plat !